Réacteurs nucléaires à usage civil ou militaire : rapprocher deux filières trop distinctes en France

Dans cet article, nous revenons sur l’intérêt du rapprochement des filières nucléaires civile et militaire françaises, thème qui est émergé lors de la 8e édition du Nuclear Valley à laquelle nos experts participaient.

filiere nucleaire

Sommaire

L’étude de la filière nucléaire civile dans le cadre du Programme du Nouveau Nucléaire Français (PNNF)

100% des compétences nécessaires à un réacteur nucléaire sont retrouvées dans la propulsion d’un SNLE (…) à part le béton .

L’étude de la filière nucléaire civile dans le cadre du Programme du Nouveau Nucléaire Français (PNNF), réalisée par le cabinet Accenture en 2023 sur demande des pouvoirs publics, faisait état d’industriels en préparation depuis plusieurs années (Rang 1).

Ces derniers étaient conscients de l’importance stratégique du PNNF et capables d’investir en fonds propres, ils n’en demeuraient pas moins inquiets de la pérennité de la demande et du fragile retour en grâce de l’énergie nucléaire auprès du grand public (et par extension, au niveau des pouvoirs politiques décisionnaires).

De leur côté, les fournisseurs de Rang 2+ remontaient un manque de visibilité sur les besoins du PNNF et une impossibilité – pour 40% d’entre eux – d’émettre des hypothèses de cadence de production fiables, notamment pour les ETI et PME produisant des Composants & Equipements, et encore davantage pour les fonderies et les forges.

Parmi les recommandations pour le succès du PNNF, l’étude insistait sur les besoins :

La filière civile aurait tout à gagner à s’inspirer des bonnes pratiques de la chaîne de valeur des réacteurs nucléaires de propulsion

En parallèle du nucléaire civil, les prochaines décennies du nucléaire de la défense sont assurées par les besoins en réacteurs de propulsion : les SNLE de 3ème génération, ainsi le nouveau porte-avions de la Marine Nationale. La filière civile aurait tout à gagner à s’inspirer des bonnes pratiques de la chaîne de valeur des réacteurs nucléaires de propulsion, voire à s’en rapprocher – ou même créer avec cette dernière des synergies ou des lieux communs. Les idées pour ce rapprochement fleurissent :

Les enjeux-clés, qui sont mieux exploités dans la fabrication de réacteurs nucléaires à destination militaire qu’à destination civile sont la répétabilité et le dialogue MOE vs MOA.

Concernant la répétabilité, la production en série des réacteurs de propulsion des sous-marins (qui ne viennent pas seuls) est un facteur de réussite pour Naval Group, qui peut tirer les leçons d’une itération pour la suivante – tout comme le nucléaire civil doit le faire pour les EPR par paires.

Concernant le dialogue MOE vs OA, certains intervenants du Nuclear Valley 2024 ont mis en avant le besoin de développer – au sein de la MOA EDF – une entité distincte, capable de remettre en question les démarches conduites par la MOE et de créer une dialectique compétitive. EDF n’ayant pas de clients, seulement des usagers, en « créer » un pourrait s’avérer source de gains.

M. Guillou soulevait une idée supplémentaire, qui permettrait d’initier et de piloter cet hypothétique rapprochement : la création d’une BITN, s’inspirant de l’existante BITD (base industrielle et technologique de défense) – qui est elle-même parfois qualifiée « d’industrie de souveraineté ».

La pérennité de la filière nucléaire, civile et militaire, n’est-elle pas un élément-clé de la souveraineté française ?

Les 12 métiers les plus en tension de ces programmes sont les mêmes entre le nucléaire civil et le nucléaire de défense

Nous mettons ici le doigt sur la bataille de recrutement que les deux filières se mènent pour étoffer leurs équipes.

ependant, cela signifie surtout que le nouveau nucléaire français doit fournir des efforts pour améliorer son attractivité – ce qui a été entamé avec l’ouverture en septembre 2024 de l’HEFAÏS (la Haute Ecole de Formation Soudage) à Cherbourg-en-Cotentin.

Quatre industriels-clés sont à l’initiative de la création de cette école (EDF, Naval Group, Orano et CMN), prouvant leur capacité à collaborer pour une dynamique mutuellement bénéfique, ainsi que leur volonté de s’engager dans le futur du nouveau nucléaire.

Parmi les enseignements du très cité rapport de Jean-Martin Folz sur la construction de Flamanville 3, le thème de la dégradation des savoir-faire de la filière nucléaire civile en France, par manque de programmes durant les vingt dernières années (Construction, Maintenance et Déconstruction), est très présent.

Ne serait-il pas judicieux d’en tirer les leçons et de se pencher sur le rapprochement des filières nucléaires civile et militaire françaises, ainsi que leur pilotage détaillé, actualisé et maillé jusqu’aux fournisseurs Rang 3 ?

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Pierre-Louis BRENAC

Associé
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Nicolas TAMIR

Consultant