Le métaverse changera-t-il le monde ?

Metaverse (ou metavers), deeptech, NFT, web3… Internet semble être entré dans une nouvelle révolution depuis quelques mois. En 2021 Mark Zuckerberg, fondateur et CEO de Méta la maison mère de Facebook, officialisait en grandes pompes la transition de la firme vers le « metaverse », prédisant une nouvelle révolution dans le secteur du web.

Véritable fusion entre le monde physique et le numérique, où chacun vivrait sous la forme d’un double numérisé, le dispositif déjà en gestation chez Microsoft, Apple et d’autres acteurs du digital, peine encore pourtant à convaincre certains. Entre promesses des métaverses, révolution de la crypto et nouveaux usages numériques (NFT, réalité virtuelle…), ce qu’on appelle déjà le « web3 » a-t-il le potentiel pour devenir une « deeptech » et changer le monde en profondeur ?

Sommaire

Le metaverse, une innovation de rupture ?

On parle de « deeptech » pour nommer les innovations capables de créer la rupture, et de changer durablement la société. L’uberisation et les médias sociaux, pour ne prendre que ces exemples, peuvent être qualifiés comme tels au regard de leur impact, fondamental, sur le monde d’aujourd’hui.

Difficile pourtant de savoir si le métaverse aura demain le même potentiel révolutionnaire.

On définit généralement les métaverses comme des univers 3D persistants et massivement multi-utilisateurs, capables d’ouvrir l’ère d’un nouvel Internet. Originellement basé sur des interfaces limitées (clavier / souris) le numérique pourrait bien, à l’avenir, être accessible par des dispositifs haptiques à même de faire entrer physiquement les utilisateurs dans une expérience inédite et plus complète.

Pour l’expert Frédéric Cavazza, il faut se méfier d’un métaverse théorisé depuis les années antérieures, où le numérique n’était qu’embryonnaire, et s’intéresser prioritairement aux évolutions actuelles des technologies. Les innovations d’aujourd’hui, dans des domaines aussi divers que la collaboration professionnelle, les divertissements, la publicité ou les jeux vidéo, préfigurent sans doute plus certainement le métaverse que les images d’Epinal qui voudraient que le métaverse soit un vaste univers virtuel interopérable et paradisiaque… et probablement idéalisé.

On définit généralement les métaverses comme des univers 3D persistants et massivement multi-utilisateurs, capables d’ouvrir l’ère d’un nouvel Internet.

Le metaverse, la portée d'entrée vers des nouveaux univers (virtuels) ?

Surfant sur la métamorphose progressive mais semble-t-il inexorable des plateformes de gaming en métaverses polyvalents, de nombreuses entreprises investissent massivement dans le domaine. Plusieurs GAFAM travaillent activement sur le sujet :


Dans ce contexte, l’interopérabilité des services et des technologies s’annonce déjà comme un point clé du développement des métaverses. Le pluriel est de rigueur, l’ensemble des services pouvant vraisemblablement coexister au sein d’une galaxie d’offres en concurrence comme le sont déjà les réseaux et les plateformes de gaming, par exemple.

Hybridation des technologies du métaverse

En France de nombreuses startups, dont plusieurs valorisées comme des licornes, proposent déjà des évolutions passionnantes de nos usages du web – travaillant notamment la fusion entre les usages numériques et physiques

Loin, a priori, du secteur de la tech, d’autres marques développent leur proposition de valeur en hybridant les technologies du métaverse avec leur domaine de spécialité. C’est le cas dans le domaine sportif, où l’image d’innovateur est cruciale, où Adidas achète des espaces dans Sandbox, et Nike dans Roblox. Cette dernière ayant déjà annoncé auparavant son souhait de lancer des lignes de sneakers virtuelles dans le métaverse, en rachetant l’agence spécialisée RTFKT.

Comment transformer ces entreprises en retailers virtuels ? Si certains métiers (dans le design, la communication) pourraient trouver ici des débouchés inédits, d’autres (comme la manufacture industrielle) seront irrémédiablement appeler à changer si cette tendance venait à se renforcer chez de tels acteurs historiques de la mode et du sportswear.

Mais les géants américains ne sont pas les seuls à s’emparer du sujet – éminemment porteur – du « Web 3 ». En France de nombreuses startups, dont plusieurs valorisées comme des licornes, proposent déjà des évolutions passionnantes de nos usages du web – travaillant notamment la fusion entre les usages numériques et physiques.

  • Ledger, qui combine les wallets de cryptomonnaies à un usage dans le monde physique ou en réinventant des usages bien ancrés, à la frontière entre des secteurs traditionnels et de nouvelles manières de les vivre.
  • Sorare, qui renouvelle les jeux de cartes grâce à la technologie NFT, et hybride les paris sportifs avec la collection d’objets virtuels valorisés en crypto.

D’innombrables utilisations sont potentiellement à prévoir pour inventer les économies de demain via ces technologies du « Web 3 ». Et les GAFAM ne sont pas les seuls à être capables d’innovation pour créer le futur « blue ocean » de demain. Tous les secteurs sont potentiellement touchés. Et de nombreux acteurs commencent à s’en emparer dans la supply chain, la distribution, la mode et la mobilité… Jusqu’à imaginer remplacer les déplacements physiques ?

A l’heure des confinements successifs et de l’explosion des contacts en distanciel, le sujet semble plus porteur que jamais, et devrait avoir un impact sur tous les secteurs de la communication, bien sûr, mais également des échanges financiers, de la data, et sans doute même du tourisme, de la restauration et de la culture. Certaines collectivités l’ont déjà bien compris : Séoul étant l’une des premières villes à annoncer développer son propre métaverse localisé, par exemple.

Charge à chaque industrie de s’emparer des métaverses et assimilés pour disrupter leurs marchés et transformer la société pour répondre aux enjeux de demain.

Les métaverses ont aussi leurs détracteurs

Pourtant le métaverse ne séduit pas unanimement. Pour Elon Musk, grand influenceur des tendances tech mondiales, ces technologies seraient un simple buzzword. Le patron de SpaceX et Tesla envisage d’autres territoires à explorer, spatiaux ceux-là, plutôt que la perspective d’avoir « un écran collé aux yeux toute la journée. » Dans une autre perspective mais un son de cloche similaire, Bernard Arnault le PDG de LVMH disait récemment sa méfiance envers les phénomènes de bulle économique, explicitant qu’une économie du luxe devait rester ancrée dans le réel.

La rareté numérique des NFT, vue comme artificielle, attirant sa méfiance tout en attisant les risques potentiels pour l’image de ses marques (comme déjà les réseaux sociaux). Pour Bernard Arnault, la vocation d’une marque de luxe n’est pas de « vendre des baskets virtuelles à 10 euros ». Nul doute que les décideurs de Nike ne partagent pas cette vision.

Parallèlement, le développement du web3 n’irait pas sans se confronter à d’inévitables enjeux écologiques : entre besoins croissants en énergie et terres rares pour la conception des terminaux, et consommation exponentielle de bande passante nécessitant une explosion des besoins en connexion. Des besoins qui vont déjà croissants selon une étude du Sénat, et que le web3 ne pourrait qu’alimenter en faisant exploser la demande.

S’acculturer pour innover

Sujets passionnants autant que clivants, le « web3 » et le métaverse partage un potentiel révolutionnaire propre à toutes les deeptech. De la même manière que le numérique a d’abord tâtonné et provoqué la méfiance avant de trouver sa fonction, et d’intégrer les usages, depuis les premiers forums jusqu’aux réseaux et au Web 2.0, la disruption massive des métaverses s’inscrira dans la durée, et associera mondes persistants, cryptomonnaies et décentralisation des échanges.

Dans toutes les couches du tissu économique, à tous les niveaux de la chaîne de valeur, il serait dommage voire dommageable pour l’ensemble des métiers de négliger le potentiel de ces technologies. Non forcément pour bouleverser du jour au lendemain leurs pratiques et leurs objectifs, mais pour développer une veille active, une curiosité et des projets d’innovation à même d’ouvrir les perspectives de ces nouvelles technologies. Sans surinvestir ses sujets, il revient aux entreprises de s’en emparer pour explorer les possibilités tant business que sociétales de ces nouveaux territoires virtuels.

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