Futur du travail : l’économie de l’isolement ou comment ré-entreprendre loin de l’entreprise

Cela n’aura échappé à personne que la crise sanitaire a fortement limité la mobilité des personnes, a éloigné les collaborateurs de l’enceinte de l’entreprise. Certaines opérations qui se déroulaient systématiquement en présentiel sont, depuis un an, gérées à distance (pour aller plus loin, découvrez notre podcast Futur du travail : comment le télétravail bouscule les organisations ?).

  • Qu’est-ce que cet éloignement des sites a permis ?
  • Comment les équipes peuvent-elles encore coopérer, c’est-à-dire opérer ensemble, non plus comme une somme d’individus mais comme un collectif uni ?
  • Comment le collectif peut-il être performant (économiquement, socialement, humainement) dans ce nouveau paradigme ?


Un changement de paradigme qui se passe en plusieurs actes.

ACTE 1 : Se questionner, se révéler

Outre les impacts économiques, émotionnels et sanitaires désastreux, l’isolement a aussi permis de se questionner et de se révéler, loin de l’entreprise. 

D’abord, se questionner sur le sens de son travail et ses aspirations, prendre du recul sur son utilité, sur l’impact de ses actions dans l’entreprise et plus généralement dans la société.

Quand pendant des années, la pression a été mise à des managers, à travailler 70-80h par semaine et soudainement, ces mêmes managers sont mis en activité partielle longue durée, on peut effectivement questionner son utilité. Quand l’activité de hauts salaires tournent au ralenti, alors que des infirmiers, éboueurs et femmes de ménage au SMIC font tourner la société, on peut effectivement questionner le sens de son travail.

Loin de l’éternelle querelle entre les « bons et les mauvais » métiers, l’isolement a permis de renouer avec les intentions que l’on porte dans nos métiers, de redéfinir notre contribution au monde.

Se questionner ensuite sur ses pratiques : le bore-out ou le burn-out, que de plus en plus d’employés vivent, sont de superbes révélateurs des blocages personnels et des dysfonctionnements d’entreprise.

Il est temps, non seulement de comprendre la source mais aussi de répondre à ces dysfonctionnements.

  • Nos opérations servent-elles une finalité partagée ?
  • Nos processus sont-ils fluides, sont-ils mis au service d’un objectif de société ?
  • Les collaborateurs et managers entretiennent-ils des relations constructives ? 


Finalement, ce temps de l’isolement a permis aux directions générales de questionner leur propre entreprise et son impact dans la société (la réduction de la mobilité a notamment eu impact positif sur le climat), aux RH de revoir l’expérience collaborateur, aux managers d’adapter les modes de travail en équipe et aux salariés de redéfinir le sens de leur travail.

Ce temps de l’isolement est une formidable opportunité de prendre du recul et de la hauteur pour révéler ce que chacun et chaque organisation veut et peut apporter à la société !

ACTE 2 : Sortir de la dictature de l'entreprise

Pour beaucoup, l’entreprise était davantage devenue une source de pression que d’inspiration :

  • la pression des horaires (arriver à la « bonne » et repartir à la « bonne heure »)
  • la pression du présentéisme
  • la pression sociale sur ce « qui se fait » et ne « se fait pas »
  • la pression du « toujours plus »
  • la pression des codes vestimentaires à respecter
  • la pression des résultats largement corrélés aux horaires
  • la pression des procédures à respecter
  • la pression managériale


L’isolement des collaborateurs leur a finalement demandé de reprendre le pouvoir sur leur réalisation
, de retrouver du sens, de structurer leur espace de travail, d’adapter leurs horaires, d’organiser leur emploi du temps et leurs façons de travailler, de prendre des initiatives, de se recentrer sur l’essentiel. D’une certaine façon, par cet isolement, les équipes se sont réapproprier leurs libertés.

De leur côté, les managers ont dû lâcher le contrôle sur leurs équipes, ont pris du recul sur l’importance des livrables et sur les opérations pour se consacrer davantage à la relation humaine. Ils ont dû passer à un management responsabilisant. Dans l’urgence, il s’est agi de se concentrer sur les priorités et l’essentiel, parfois avec une charge perçue comme lourde, moins sur la performance à tout prix.

Les opérations se sont-elles arrêtées pour autant ? Non, pas dans les industries qui se sont accommodées du digital. 

Les équipes sont-elles moins performantes pour autant ? Non. Si l’on en croit les récentes études où le télé-travail permet des gains de productivité supérieurs à 20% (source Institut Sapiens 20021)

Cependant, ces succès sont sans doute à nuancer. Les résultats obtenus et le maintien des économies sont largement dus à la résilience des travailleurs qui ont « pris sur eux ». Il est temps de rentrer dans l’apaisement et de renouer avec l’étymologie de l’entreprise : « prendre entre ses mains ».

ACTE 3 : Se réinventer et inventer le futur du travail

L’isolement a mis en exergue des richesses humaines et des innovations managériales qu’on aurait tort d’oublier. Les nouveaux modèles d’entreprise phygitales ont clairement un avenir, dont la réussite dépend d’un certain nombre de paramètres :

  1. La capacité des entreprises à vivre et à incarner leur raison d’être, leur finalité, à proposer un cap sensé à l’ensemble de leurs équipes : pour quoi travaillons-nous ? En quoi contribuons-nous à un meilleur avenir de société ? Qu’offrons-nous et à qui ?
  2. L’acceptation de la part féminine du leadership, c’est-à-dire en priorité de favoriser l’action des hommes au sein du foyer pour un vrai partage des charges, mais aussi d’accepter des valeurs managériales « féminines » (qui sont portées par des femmes comme par des hommes) telles que l’empathie, la douceur, la sensibilité, la priorité du collectif en entreprise ;
  3. La diffusion de la co-responsabilité où l’entreprise n’est plus responsable de ce qu’elle fait, mais est responsable de ce qu’elle propose aux salariés. Elle proposera des lieux de travail, des horaires, des outils, des bonnes pratiques, des accompagnements, un cadre d’évolution, des formations ou encore une contribution à la société. Dans le même temps le collaborateur prend la responsabilité de la qualité de son travail et de ses relations humaines, de sa perception de l’entreprise et de son engagement ;
  4. L’appétence à flexibiliser le travail, à offrir des choix : La question n’est plus le 100% télétravail ou pas, mais de travailler en distanciel et en présentiel. Certaines activités nécessitent de se voir en face-à-face, certains postes obligent à être sur site, d’autres non. L’entreprise proposera des options possibles dans un cadre cohérent et devra allouer des budgets de mobilité pour des activités différentes de celles financées initialement. Bienvenue dans l’économie du choix !
  5. La mise en place d’outils digitaux simples et fonctionnels, dans un esprit de favoriser et simplifier le travail des équipes (et non plus seulement des outils pour gérer la performance). Bientôt les progrès technologiques permettront des relations humaines digitalisées qualitatives (son, caméra, lumière, fixation du regard, etc.) ou encore de faciliter des ateliers dynamiques et ludiques en ligne ;
  6. L’allègement et le recentrage du rôle de manager : le manager n’est plus l’unique porteur de la stratégie d’entreprise d’une part, de l’exécution des opérations et de la motivation des équipes.Il est temps de décharger la mule des managers, leur simplifier les 1000 reporting à remplir, les 500 procédures à respecter, et les 250 conseils du « bon manager » à suivre. Le manager doit pouvoir concentrer son énergie à manager des équipes opérationnelles (et non à manager des opérations par l’équipe). Le manager devient un « container », un facilitateur de relations et de connaissances.
  7. Le développement de nouvelles compétences pour les collaborateurs comme l’autonomie (dans la gestion du temps, la gestion du stress), la prise d’initiative, le leadership  personnel, l’expérience de relations connectées.

Avec la crise sanitaire, un nouveau monde s’ouvre… 

Bienvenue dans le nouveau monde !

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